Jérémie Pichon (Famille Zéro Déchet) : « Voici comment nous avons réduit nos déchets à un litre par an pour une famille de quatre »
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09 décembre 2022
- Dina Hayan - Temps de lecture : 4 min
Jérémie Pichon forme avec sa compagne Bénédicte Moret et leurs deux enfants une famille (presque) zéro déchet. À eux quatre, ils ont réussi à diminuer à un litre par an la quantité de leurs déchets quand un Français moyendépasse les 580 kilos par an, dont une grande partie concerne les déchets ménagers. Il nous explique comment.
Comment en êtes-vous venus à vous engager dans la voie du zéro déchet ?
Jérémie Pichon : Avec ma compagne, Bénédicte Moret, nous avons eu un parcours d’activiste depuis toujours. Moi j’ai notamment été éducateur à l’environnement et suis un passionné de glisses en tous genres, surf, snowboard, etc... pratiquées dans des lieux magiques, mais aussi tellement fragiles. J’ai passé ma vie dans des ONG de défense environnementale et humanitaire, dès le début des années 2000, notamment avec Mountain Rider, pour défendre la montagne et promouvoir un modèle plus durable. Déjà, à l’époque, nous ramassions les trop nombreux déchets que l’on trouvait et déjà, à l’époque, c’était un problème.
Nous avons vécu les belles années du Pacte écologique, en 2006, et du Grenelle de l’environnement, dans la foulée, auprès de Nicolas Hulot. C’était formidable, on pensait que l’on allait changer le monde. Et puis non, le monde a continué à surproduire et à surexploiter ses ressources… Ensuite, j’ai travaillé pour la Surfrider Foundation, avec la même problématique observée quant aux déchets, sur la côte Basque. Et là, quand je rentrais chez moi et que je voyais encore du plastique dans ma poubelle, je me suis dit que ce n’était plus possible. Avec Bénédicte, nous avons tout vidé dans le jardin, pour essayer de comprendre d’où cela provenait et pourquoi il y en avait autant. Je vous assure que voir sa poubelle étalée dans le jardin, donc finalement toute sa vie, c’est quelque chose de très instructif. Et à chaque chose que l’on voyait, notre question était : « Est-ce que l’on peut s’en passer ? » À chaque fois, la réponse était oui. C’est comme cela que, d’une poubelle par semaine, nous sommes passés à une par mois, puis une en six mois puis, aujourd’hui, maximum d’un litre par an (ce qui équivaut à un kilo, ndlr), pour une famille de quatre.
Famille presque zéro déchet - Livre
Un litre en une année alors que, si l’on en croit l’Ademe, chaque Français produit malheureusement 580 kilos de déchets par an, dont une grande partie concerne les déchets ménagers ! Comment êtes-vous parvenus à cet exploit ?
Jérémie Pichon : Ce n’est pas du tout un exploit. C’est, au contraire, quelque chose de finalement très facile à réaliser. C’est la méthode des trois tiers. La matière organique en représente le premier tiers, or celle-ci se composte, que l’on soit en maison ou en appartement. C’est déjà un tiers de moins, et un tiers que l’on rend à la terre. Le deuxième tiers est représenté par l’emballage alimentaire, tous ces plastiques à usages uniques que l’on utilise trop. Pour faire simple, c’est tout ce qui provient de la grande distribution et là, la solution est simple elle aussi : achetez vos fruits et légumes sur les marchés, approvisionnez-vous en circuit court, auprès des Amap notamment. On peut tout trouver en local, en utilisant ses propres contenants. Et il est faux de dire que c’est plus cher. Nous, cela nous coûte 145 euros par semaine, pour quatre personnes. Le troisième tiers, enfin, ce sont tous les déchets liés aux biens de consommation, jeux des enfants, stylos, tous ces objets qui cassent et que l’on a pris l’habitude, à tort, de jeter. Pour y remédier, c’est le principe des « 4R » qu’il convient d’appliquer ; 4R pour réduire, réutiliser, réparer et recycler. Le premier des « R » c’est donc réduire, et c’est une nécessité absolue.
Il faut revenir à un mode de vie et une consommation plus sobres. A-t-on besoin d’acheter autant ? De remplir autant nos placards ? Gagne-t-on en qualité de vie en agissant ainsi ? Évidemment pas. En réduisant, croyez-moi, nous ne sommes pas plus malheureux. Et nous ne vivons pas en guenilles, en dehors du monde, évidemment pas. Il s’agit simplement de consommer différemment, de ne pas aller vers du neuf et d’interroger, toujours, la notion de progrès. Est-ce utile ? Nécessaire ? Se poser toutes ces questions et agir en ce sens, c’est aller vers de la sobriété heureuse, pour reprendre le titre d’un livre de Pierre Rabhi.
En parlant de livres, vous en avez écrit, vous aussi, de même que vous tenez un site pour évoquer votre expérience de vie « zéro déchet ». C’est important, pour vous, cette idée de partage ?
Jérémie Pichon : Elle est primordiale. Tout a commencé par un blog, que l’on tenait un peu comme un journal. Cela fonctionnait bien et un éditeur est venu nous chercher. C’est comme cela que le premier livre est sorti. Aujourd’hui, nous en sommes à trois, déjà, Famille presque zéro déchet, Les Z’enfants presque zéro déchet et Famille en transition écologique. En tout, nous en avons vendu 350 000 exemplaires, et si vous comptez sur huit lecteurs environ à chaque fois, cela commence à faire beaucoup de monde. C’est vraiment une grande fierté, pour nous, que de savoir que nous touchons toutes ces personnes. Sur notre site, nous avons eu par ailleurs 4,5 millions de visiteurs uniques depuis cinq ans. Nous avons beaucoup de témoignages de gens qui nous disent que nous avons contribué à changer leur vie, à les faire se sentir acteurs de leur propre existence. Cela nous conforte dans notre volonté d’aborder ces questions liées à la transition écologique avec un côté pratique, de l’humour et surtout pas un ton moralisateur ou donneur de leçons. Nous proposons ou, plutôt, nous donnons à voir une méthode de vie très simple à appliquer au quotidien, sans jamais culpabiliser personne, mais toujours en cherchant à mettre en avant des solutions clés en main : on voit directement la quantité de déchets diminuer dans ses poubelles, c’est ultra concret et, donc, motivant. Aujourd’hui, nous préparons un dessin animé, 52 épisodes de 6 minutes, tiré du livre pour les enfants, qui sera, je l’espère, diffusé sur les antennes de France TV d’ici une petite année au maximum. Jamais nous n’abandonnerons la bataille pour la sobriété.
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