Et si les cargos fonctionnaient à voile ?
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20 octobre 2021
- Cliona Le Gall - Temps de lecture : 2 min
Maman, les gros cargos qui vont sur l’eau, ont-ils des... voiles ? À l’heure de la transition écologique, le retour des bateaux à voile pour le transport maritime ne serait pas un retour en arrière, mais bien un bond en avant ! D’autant qu’avec la hausse des achats en ligne - et des biens de consommations en provenance de l’autre bout de la planète - il est urgent de limiter les émissions carbone de nos importations.
Quel est le point commun entre un tee-shirt, une cafetière et un smartphone ? Facile, la mer, par laquelle ces biens de consommation souvent fabriqués à l’étranger nous parviennent. En volume, le transport maritime représente 90 % du commerce mondial, et ces quantités augmenteront encore dans les années à venir, boostées notamment par les commerce en ligne. Problème : cette chaîne logistique internationale repose sur des énergies fossiles qui accentuent le réchauffement climatique. Pour réduire la pollution de ces géants des mers, une solution a le vent en poupe : les cargos à voile.
Le transport maritime est responsable de 3,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre du continent. Ces émissions ont augmenté de 32 % au cours des 20 dernières années, selon la Commission européenne. Et elles devraient même doubler d’ici 30 ans ! Bref, la lutte contre le changement climatique impose de trouver rapidement des alternatives. Car 70 000 navires marchands sillonnent les mers de la planète.
Une source d’énergie inépuisable
En 2018, les États membres de l’OMI (organisation chargée d’assurer la sécurité des transports maritimes et de réduire leur impact sur les mers) se sont engagés à réduire de 40 % d’ici 2030 les émissions de CO2 provenant des navires. Les carburants alternatifs moins polluants et les mesures d’économie d’énergie ne suffiront pas à atteindre ces objectifs : c’est là qu’entre en jeu le vent, source d’énergie propre, abondante et inépuisable.
Pour décarboner le transport maritime grâce à l’éolien (on parle de propulsion vélique), de nombreux projets sont développés à travers le monde. Dans ce secteur innovant, on trouve plusieurs entreprises françaises, à l’image de AYRO. Cette société conçoit, fabrique et commercialise les Oceanwings, des ailes de propulsion pour navires de commerce. Ces ailes sont une véritable prouesse technique. Initialement développées pour la Coupe de l’America, elles permettent de diminuer jusqu’à 45 % les émissions de CO2 des navires.
« La France a un terrain très favorable pour les technologies éoliennes car beaucoup d’ingénieurs ont travaillé dans la voile, notamment côté compétition, et il y a des transferts de technologie possibles vers l’industrie », explique à En Lumière Ludovic Gérard, directeur général de AYRO. Il ajoute : « Une aile Oceanwings, cela représente deux fois la puissance propulsive d’une voile classique ». Comment ça marche ? Des capteurs installés sur l’aile mesurent le vent, puis transmettent ces informations à un ordinateur interne qui commande les mouvements de l’Oceanwings entièrement automatisée.
La fusée Ariane transportée à la voile
Récemment installée dans le port de commerce de Caen, son usine assemblera bientôt l’assemblage de quatre OceanWings pour un projet spectaculaire et ambitieux : le navire hybride Canopée. Dès 2022, ce navire de 121 mètres de long transportera les composants de la fusée Ariane 6 entre l’Europe et la Guyane. La traversée de l’Atlantique durera une douzaine de jours, soit « la même vitesse commerciale qu’une propulsion classique, mais en émettant moins de CO2 » indique Ludovic Gérard. Le navire est actuellement en cours de construction dans un chantier naval, au Pays-Bas.
Voir encore plus grand
Si l’usage du vent permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’un navire, l’avenir pour les cargos de grands volumes repose sur des solutions hybrides. Le projet de porte-conteneurs franco-chinois Trade Wings 2500 repose ainsi sur l’installation de plusieurs Oceanwings ainsi qu’une propulsion gaz naturel liquéfié et électrique moins polluante qu’un moteur classique. Long de 197 mètres et large de 32 mètres, ce navire pourra charger jusqu’à 32 500 tonnes de marchandises. Au printemps dernier, il a reçu une approbation de principe par Bureau Veritas, ouvrant un nouveau chapitre dans la concrétisation de ce projet.
Aude Leblanc, spécialiste de la navigation durable au sein de Bureau Veritas, a étudié les plans fournis pour présenter le futur porte-conteneur. « L’objectif était de démontrer la faisabilité de l’installation d’une propulsion vélique sur un navire de cette taille », explique-t-elle. Les armateurs, responsables de l'exploitation commerciale d'un bateau, ont en effet besoin d’être convaincus pour investir dans de nouveaux équipements.
Pour Ludovic Gérard, tous les acteurs du secteur participent à cet effort de conviction. « La richesse du terrain industriel français est très encourageante, et au-delà d’être concurrents, nous sommes tous promoteurs de solutions éoliennes », affirme-t-il en citant d’autres entreprises innovantes du territoire comme Grain de Sail, Towt ou Neoline. Et si le vent était l'élément clé de la transition écologique du transport maritime ? Eux, ils y croient !
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