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Inès Moreau (Les Petits Gestes) : « Je veux aussi casser le mythe de l’écolo parfait, la perfection, ça n’existe pas »

09 décembre 2022 - Julie Hervault - Temps de lecture : 6 min

Etre Écolo - Plenitude, En Lumière Magazine de l'énergie et de l'écologie

Inès Moreau a 30 ans. Il y a trois ans, en 2019, après avoir passé une année en Australie et en Asie, elle a créé sur Instagram le compte Les Petits Gestes. Comme son nom l’indique, il s’agit de mettre en lumière toutes ces petites choses que chacun d’entre nous pouvons mettre en application pour aller vers un monde plus responsable. Rencontre avec une jeune femme engagée. 
Comment en êtes-vous venue à cette conscience écologique, qui est la vôtre aujourd’hui ?

Inès Moreau : Mon parcours est somme toute assez classique. Je viens d’une famille qui n’avait pas forcément une grande sensibilité à toutes ces questions liées aux protections de la nature et de l’environnement. J’ai essentiellement grandi en région parisienne même si nous avons pas mal déménagé un peu partout en France, durant mon enfance. Et, finalement, j’ai d’abord fait un peu ce que l’on attendait de moi : des études générales, puis une école de commerce et du marketing. J’ai commencé à travailler pour de grandes entreprises. Mais, au bout de deux ans de vie active, environ, je ne me sentais pas à ma place. J’étais perdue ; franchement pas bien. Je me suis alors dit qu’il était urgent de prendre du recul, et j’ai donc décidé de tout plaquer : mon CDI, mon appartement, etc.

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C’est à ce moment-là que vous partez pour un voyage d’un an en Australie et en Asie ? C’est là-bas que le déclic survient ?

Inès Moreau : Nous sommes en 2017 et je pars avec, en poche, un visa PVT, qui permet de voyager et de travailler en Australie pendant une année complète. Je choisis l’Australie parce que c’est le plus éloigné possible de l’Hexagone et parce que je veux un endroit qui soit l’exact opposé de mon mode de vie parisien, d’une société de consommation qui ne me plaît plus. Je suis en recherche de quelque chose de « roots », de proche de la nature, et c’est pourquoi je m’organise un voyage en van, avec une liberté totale pour suivre mes envies et suivre le soleil. Là-bas, je suis en complète déconnexion et j’exerce, pour vivre, des petits boulots que je n’aurais jamais imaginé faire en France. J’ai été successivement femme de chambre, barmaid, livreur à vélo, professeure de français et même dogsitter. C’est à ce moment-là que les idées deviennent claires, dans ma tête : je veux me détacher de mon mode de vie précédent. En Australie, je travaillais pour simplement subvenir aux besoins essentiels de la vie, sans surplus ni rien de matériel superflu. Et, finalement, vivre avec beaucoup moins m’apportait tellement plus de bien-être intérieur que c’est devenu une évidence pour moi.

Comment passer de l’envie à l’action ? Ce changement radical de vie, vous l’avez organisé de quelle manière ?

Inès Moreau : Après mon année en Australie, je ne me voyais pas revenir directement à Paris. J’ai donc passé trois mois supplémentaires en Asie du Sud-Est, en Birmanie, au Laos et essentiellement au Cambodge. Là-bas, j’ai été confrontée à la pauvreté et à la pollution, avec des morceaux de plastique, jetés en vrac dans la nature. Et quand je m’interrogeais sur le sujet, on me répondait d’un haussement d’épaule que la mousson allait rapidement emporter tout ça et que, donc, il n’y avait pas lieu de s’en inquiéter. Ce fut un énorme choc pour moi. À mes yeux, il n’était pas possible de vivre ainsi et de penser comme cela. J’ai alors commencé à me renseigner et à mettre en question, aussi, les pratiques que nous pouvions avoir, nous, en Occident. J’avais définitivement mis le doigt dans l’engrenage. C’était clairement le début de quelque chose de nouveau, pour moi. C’est ainsi qu’est né le projet Les Petits Gestes qui, comme son nom l’indique, a pour vocation de donner un coup de projecteur sur ces petites choses que chacun d’entre nous peut facilement mettre en application, pour apporter sa pierre à l’édifice, comme faire attention aux consommations fantômes par exemple. Pour la petite histoire, le nom lui-même des Petits Gestes s’est imposé à moi comme une évidence, la dernière nuit avant de revenir en France.

Avec Les Petits Gestes, vous abordez toutes les grandes questions écologiques avec une approche qui se veut ludique et pédagogique, sans jamais être donneuse de leçons. Pourquoi ?

Inès Moreau : À mon retour en France, si j’avais bien une certitude, c’était celle-là : il était hors de question de reprendre ma vie là où elle s’était arrêtée, avant mon départ. Je suis revenue en région parisienne, mais j’ai changé tout le reste, à commencer par le travail. Je voulais que ma nouvelle vie soit en adéquation avec mes nouvelles valeurs. J’ai eu la chance d’être embauchée par l’Unicef et, en parallèle, j’ai développé mon compte Instagram, Les Petits Gestes, avec en tête ces valeurs que vous évoquez. L’idée est de partager des choses, à mes yeux essentielles, mais sans m’arroger un rôle qui n’est pas le mien. Je ne veux surtout pas être donneuse de leçon, à distribuer les bons ou les mauvais points. Je tiens plutôt à mettre en lumière tel ou tel problème, telle ou telle question, et inciter ma communauté à s’interroger et à questionner ses propres pratiques. Je veux aussi casser le mythe de l’écolo parfait. Mes posts, c’est aussi une manière de déculpabiliser : la perfection n’existe pas et c’est pourquoi je veux porter des messages positifs, qui ne créent pas de l'éco-anxiété, ce qui serait contre-productif. Je mets en avant des actions simples, facilement reproductibles, qui peuvent ensuite enclencher quelque chose de plus grand, pour que chacun puisse devenir acteur du changement et non plus seulement spectateur. Au quotidien, pour les publications, je ne suis pas organisée comme une entreprise avec un rétroplanning très précis, ou quoi que ce soit dans le genre. Je tiens à rester avec une approche intuitive, en fonction de l’actualité, des découvertes du moment, etc. Cette touche de spontanéité est à mes yeux primordiale à conserver. Et tous ces petits gestes que je mentionne, qui pourraient être chacun pointés comme insignifiants, je trouve, moi, qu’ils sont tous d’une grande importance. Car quand on les additionne, qu’on les multiplie et que tout le monde s’y met, leur impact devient énorme.

En parlant d’ampleur : vous êtes suivie pour plus de 63 000 abonnés, à date. Ce succès vous a-t-il surpris et, au quotidien, comment échangez-vous cette communauté ?

Inès Moreau : C’est vrai que c’est allé vite. En deux ans, j’avais déjà 50 000 abonnés. J’ai alors dû faire un choix. Je n’arrivais plus trop à gérer à la fois mes missions chez Unicef et mon travail avec Les Petits Gestes. J’avais 29 ans, pas d’enfant, j’ai suivi mon instinct et j’ai décidé de démissionner de mon poste pour me concentrer à temps plein aux Petits Gestes, avec Instagram pour plateforme de base. Ce réseau a plein de défauts, avec notamment une tendance à trop mettre en avant le futile, via les Reels par exemple, mais c’est aussi là que sont beaucoup de jeunes, et c’est à eux que j’ai envie de m’adresser. Et les liens que l’on peut tisser avec sa communauté sont de première importance pour moi : quand on est sur Instagram, on est vraiment seul, et moi j’ai besoin d’avoir des échanges forts avec ma communauté. Cela me permet de voir comment ils réagissent à mes posts : est-ce que ça leur plait ? Est-ce que j’ai réussi à planter cette fameuse petite graine qui germera peut-être dans leur esprit ? C’est pourquoi je veille à toujours répondre à tout le monde, y compris à ceux qui envoient des messages négatifs, car il y en a quelques-uns, bien sûr. Je pars du principe que la discussion fait toujours avancer les choses, et qu’il convient de toujours faire acte de pédagogie avec ceux qui ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre.

Vous avez également publié deux livres chez Albin Michel, dans la collection « Je fais moi-même ». Racontez-nous comment ces projets ont été menés à bien ?

Inès Moreau : C’est une très belle histoire. Nous étions en plein milieu du premier confinement et, sur Instagram, une personne me contacte en me disant qu’elle travaille pour Albin Michel, qu’elle me suit depuis très longtemps et qu’elle aime ce que je fais. Elle me parle de la collection « Je fais tout moi-même » et c’est parti comme cela. Le premier livre porte sur les produits ménagers, le deuxième sur les produits de beauté. Ils sont tous les deux pensés pour les débutants : j’y présente notamment des recettes facilement réalisables soi-même, avec le moins d’ingrédients possibles, pour que ce soit simple et rapide à faire. J’explique aussi comment décrypter les étiquettes, sur les flacons, comment comprendre la composition des ingrédients, comment, aussi, remplacer les produits, et par quoi. Les deux sont sortis au printemps 2021, avec de jolis succès. Aujourd’hui, je prépare un troisième livre, chez un autre éditeur. Il s’agira, cette fois, d’évoquer ces petits gestes dont je parle sur mon compte Instagram : en reprendre les principaux, en les classant par ordre de grandeur, avec des chiffres très précis pour étayer les propos, expliquer la situation et donner des pistes d’actions très concrètes.

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