Déborah Lopes (Je me recycle) : « Je cherche à faire en sorte que l’on se motive pour avancer, ensemble »
-
12 avril 2024
- Giulio Fona - Temps de lecture : 4 min
Déborah Lopes, 32 ans, plaide « pour une écologie positive » depuis 2019 sur son compte Instagram. Son objectif : donner toutes les clés de compréhension pour inciter le plus grand nombre à oser aller vers une consommation plus responsable. Rencontre avec une femme engagée et déterminée à redonner du sens à nos consommations.
Vous avez lancé votre compte instagram @Jemerecycle en 2019 pour, dites-vous, vous mettre en adéquation avec vos valeurs. Quelles sont-elles, ces valeurs, et quel a été le déclic qui vous a décidée ?
Déborah Lopes (Je me recycle) – Il n’y a évidemment pas un jour où tout bascule, c’est toujours le résultat d’un cheminement personnel, sur un temps plus ou moins long. Pour moi, le premier déclic était lié à ma santé. Je souffrais d’intolérances alimentaires et de problèmes de peau. Petit à petit, j’ai compris que mon mode de vie en était le principal responsable. Jusque-là, je ne m’étais jamais posé la question. Je venais d’une famille qui n’était pas spécialement engagée pour la cause écologique mais qui, malgré tout, agissait en vertu de ce qu’elle considérait être du bon sens : ne pas gaspiller, ne pas surconsommer, etc. J’étais sur ce même fonctionnement, moi aussi, mais j’ai commencé à davantage me renseigner sur la composition des produits cosmétiques que j’utilisais. Ce que j’ai découvert ne m’a franchement pas plu et je me suis mise à rechercher des alternatives, plus naturelles, meilleures pour la santé. De fil en aiguille, cela m’a conduit à m’intéresser aux questions écologiques, et à vraiment prendre conscience qu’il y avait beaucoup trop de choses, dans nos vies et dans nos sociétés, qui n’allaient pas.
De cette prise de conscience est née l’idée de communiquer sur une écologie positive, comme vous l’affichez en signature de votre compte Instagram. C’est important, pour vous, de ne surtout pas avoir une approche culpabilisante ?
Déborah Lopes – Rester positif, pour moi, cela va de soi, c’est une philosophie de vie. Je suis là pour 80, 90 ans peut-être, et je veux bien vivre ma vie, dans tous les sens du terme. C’est-à-dire en profiter, être dans quelque chose de gai, de constructif, autant que possible. En revanche, je sais aussi que cette existence, je ne pourrai pas bien la vivre si je ne fais rien. Se dire « après moi le déluge » et continuer comme si de rien n’était : très peu pour moi. Cette posture n’a en réalité aucun fondement et tout le sens de mon engagement est justement de promouvoir, à mon humble niveau, d’autres façons de penser, de faire, d’agir. J’essaie de donner des éléments très concrets à mettre en pratique pour aller vers ce que je considère comme du mieux. Je cherche à faire en sorte que l’on se motive pour avancer, ensemble, afin de redonner du sens à notre consommation, et ce dans tous les domaines du quotidien : de l’alimentation à la mode, en passant par le zéro déchet ou le lifestyle.
Dans l’une de vos publications où vous partagez l’importance des « petits riens », vous revenez sur ce découragement que l’on peut tous avoir face à l’immensité de la tâche, si l’on veut s’engager dans une vie plus éco-responsable. Et vous insistez sur la politique des petits pas. Rien n’est jamais inutile, c’est aussi cela le message ?
Déborah Lopes – Bien sûr. On ne peut pas changer le monde du jour au lendemain. C’est un combat complexe à mener, qui demande du temps et énormément de résilience. La quête de la perfection est illusoire. Personne ne l’est jamais à 100 %. Mais ce n’est pas parce que c’est inatteignable que l’on ne peut rien faire. Je prône ainsi une consommation consciente et raisonnée. Je veux lutter contre les idées fausses et la méconnaissance qui, trop souvent, perdurent. Évidemment, la cause écologique doit se jouer à l’échelle de la planète. Mais c’est aussi à chacun de montrer l’exemple, à chacun de faire un pas, un bout du chemin. Que chacun s’y mette, petit à petit, à son rythme et en fonction de ses propres impératifs et, déjà, c’est un magnifique commencement, le début de quelque chose qui, à terme, aura un impact fort. C’est ce message que je souhaite délivrer, et de la manière la plus ludique possible (Elle a par exemple publié un Guide de survie pendant les soldes, tout début 2024, Ndlr).
Cette consommation consciente et raisonnée que vous appelez de vos vœux, cela ressemble à quoi ?
Déborah Lopes – À mes yeux, cela passe d’abord par la lutte contre la surconsommation. Collectivement, nous gaspillons beaucoup trop et l’on épuise la planète. J’essaie alors de communiquer en faveur d’une consommation plus responsable, sans me montrer donneuse de leçon. La première approche que je mets en avant est celle du besoin : en avez-vous réellement besoin ? Je trouve que ce questionnement est la base de tout. À partir de là, on peut commencer à réfléchir sur le principe du consomm’acteur qui, sciemment, après avoir pesé le pour et le contre, va, en pleine conscience, consommer ou non.
Vous évoquez beaucoup le sujet de la mode. Il est essentiel à vos yeux ?
Déborah Lopes – Certes, l’industrie de la mode est polluante, mais c’est également l’un des secteurs où l’on peut le plus facilement agir. Nous avons tous des placards qui débordent de vêtements que nous ne portons jamais. C’est le signe d’une consommation beaucoup plus marquée par l’émotionnel que par la réelle nécessité. C’est dommage. Nous avons là très clairement le pouvoir de changer, sans rien perdre de notre confort de vie, bien au contraire. Pour ce qui me concerne, cela se traduit par le fait que je privilégie bien sûr la seconde main mais, aussi, des solutions alternatives, en me tournant vers des marques nouvelles, qui travaillent par exemple avec des matières premières différentes, plus durables.
Et pour l’alimentation, cela se traduit comment ?
Déborah Lopes – Avec mon conjoint, nous avons fait le choix d’être végétariens, de privilégier le bio autant que possible, les circuits courts. Mais je sais bien que ce n’est pas facile pour tout le monde et que chacun doit faire avec ses propres impératifs, notamment financiers. C’est pourquoi le plus important, pour moi, est de montrer qu’une autre voie existe, d’en indiquer le chemin et, après, que chacun fasse ce qu’il pense juste. En clair, je cherche à convaincre, en distillant les informations et astuces qui me paraissent les plus justes.
Comment travaillez-vous pour préparer vos publications ?
Déborah Lopes – J’ai toujours aimé lire et écrire. C’est donc pour moi un canal de communication assez naturel. Au début, j’ai commencé à publier sur Instagram de manière un peu irrégulière. Je n’avais personne à qui parler de ces sujets qui me tenaient à cœur et, finalement, les réseaux sociaux étaient un parfait exutoire pour m’exprimer. Le confinement de 2020 a rapidement fait décoller le compte, qui est passé en quelques semaines de 3000 abonnés à 10 000 (il en a plus de 36 000 à date, Ndlr). Les gens étaient chez eux, ils avaient davantage de temps à consacrer aux réseaux sociaux. Peut-être, aussi, se posaient-ils davantage de questions sur leur mode de vie. Quoi qu’il en soit, je me suis mise à mieux m’organiser, en mettant en place un rétroplanning plus strict pour mes publications, avec le désir d’être le plus didactique et clair possible. Aujourd’hui, c’est toujours cette approche qui me guide. Je prends énormément de notes, au gré de mes lectures et de mes découvertes. J’enrichis ensuite mes recherches pour trouver les meilleurs exemples, ceux qui seront les plus frappants. J’aime les vidéos, je trouve que c’est clairement un format d’avenir. Quant au fond, il ne faut pas avoir peur de se répéter. Parfois, je peux avoir l’impression de radoter (rires), mais il faut avoir en tête qu’il y a toujours de nouvelles personnes qui découvrent le sujet et c’est eux qu’il faut convaincre. Mon objectif est de fournir toutes les informations et astuces clés pour parvenir à une consommation plus raisonnée, et ce dans tous les domaines du quotidien.
Notez-vous le début d’une prise de conscience plus massive aujourd’hui ?
Déborah Lopes – Encore une fois, il faut rester humble : cela reste finalement un petit groupe avec lequel j’échange. Mais, même si c’est une petite goutte dans l’océan, je suis heureuse de constater un intérêt grandissant pour tous ces sujets liés à une consommation plus durable. J’ai vraiment l’impression que les gens ont envie d’être informés, qu’ils ont envie de savoir et de comprendre. Alors, oui, je pense qu’il y a une vraie prise de conscience, au moins pour s’intéresser aux sujets. Or, se poser des questions et être toujours curieux des choses est, à mes yeux, la base de tout.
Son fil Instagram : https://www.instagram.com/jemerecycle/?hl=fr
Son site internet : https://jemerecycle.fr/
Lien vers son livre, Meuf Green : https://editions-jouvence.com/livre/meuf-green/