Benjamin de Molliens (Expéditions Zéro) : « Je veux promouvoir une écologie fun et entraînante »
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12 août 2022
- Pierre Manches - Temps de lecture : 6 min
Benjamin de Molliens a 34 ans. Éco-aventurier dans l’âme, il a lancé, en mai 2020, le projet Expéditions Zéro. Le principe ? De l’aventure en pleine nature, mêlant défis sportifs et messages de sensibilisation aux enjeux environnementaux. Le tout en mode « zéro », à savoir zéro matériel neuf, zéro déchet sur le parcours et, autant que possible, zéro impact carbone. À pied, à vélo, en paddle, en kayak ou encore en voilier, l’homme a arpenté la France entière et l’Europe, entraînant dans son sillage toute une communauté. Son credo ? Éveiller les consciences et inciter chacun à passer à l’action.
Cette soif d’aventures, elle vous vient d’où ?
Benjamin de Molliens : J’ai grandi dans une famille de baroudeurs. Avec mes parents, nous avons fait beaucoup de randonnées dans les Alpes et dans les Pyrénées, mais aussi des road trips en van jusqu’en Laponie, au Maroc, en Grèce, en Irlande, en Écosse, etc. Et, à chaque fois, dans des conditions assez rustiques, à se laver dans des bassines d’eau, ce genre de choses. Je me souviens que nous avons aussi réalisé la descente des gorges du Tarn sur un radeau que mon père avait construit avec des chambres à air de tracteur, récupérées chez mon grand-père. Tout cela pour dire que ma passion de l’aventure en pleine nature vient de loin et qu’elle est très profondément ancrée en moi. Pour autant, jusqu’en 2016, je n’avais pas franchement encore de réelle fibre écologique.
Quel a été le déclic ?
Benjamin de Molliens : Le déclic est venu à propos de la pollution due aux déchets plastiques dans les océans, avec cette statistique complètement ahurissante : chaque minute, 18 tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les océans du monde. Ça m’a choqué et j’ai décidé d’agir : j’ai rejoint le projet Plastic Odyssey, que j’ai cofondé et dans lequel je me suis investi à fond pendant trois ans. L’idée était de se lancer dans un tour du monde, sur un navire-laboratoire et d’aller partout, notamment dans les pays émergents, pour y tisser un réseau mondial d’initiatives locales pour lutter contre cette pollution due au plastique. J’ai quitté ce projet en 2019 et j’ai découvert ensuite la Fresque du Climat. J’en ai profité pour réaliser mon bilan carbone et je me suis rendu compte que c’était assez calamiteux avec un bilan de 15 ou 16 tonnes d’équivalent CO2 par an, quand l’objectif des Accords de Paris fixe un seuil à 2 tonnes d’équivalent CO2. Sept fois plus ! J’ai pris une claque et je me suis dit qu’il fallait que je change encore plus mes habitudes, au-delà de la seule question des déchets. Il fallait que je m’attaque à mon impact carbone et c’est comme cela que j’ai créé les Expéditions Zéro.
La première Expédition Zéro a consisté en quoi ?
Benjamin de Molliens : Nous étions alors en mai 2020, confinés, et moi je bouillonnais, j’avais envie d’aventures. Ma copine était à 600 km de chez moi, chez ses parents en Normandie, et dès qu’il a été possible à nouveau de se déplacer, j’ai eu évidemment envie de la rejoindre. Mais il était hors de question d’être enfermé dans une voiture pendant tout le trajet : je rêvais de grand air et c’est comme cela que l’idée du vélo est venue. J’ai ressorti un magnifique vieux modèle de la marque Bianchi du garage, je l’ai retapé avec des pièces de seconde main et je suis parti : j’ai pédalé pendant six jours pour la rejoindre. Pendant tout ce temps, je n’avais utilisé que l’énergie de mes cuisses, j’avais tout fait pour limiter au maximum mes déchets et j’avais organisé tout cela sans aucun matériel neuf. Cela faisait trois éléments clés, sympas, qui pouvaient constituer la base de tout un projet d’aventures. J’ai donc eu l’idée d’imaginer des projets s’articulant autour de ces trois principes qui, chacun, correspondent à des causes qui me sont chères. Le zéro déchet, c’est pour lutter contre la pollution plastique. Le zéro matériel neuf, c’est pour dénoncer la surconsommation qui, personnellement, me pose un problème et qui s’avère néfaste pour la planète. Enfin, tendre au maximum vers le zéro émission carbone, c’est un sujet primordial, qui prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui. J’ai commencé à en parler sur les réseaux sociaux et cela a tout de suite plu aux gens. Je trouvais, de mon côté, que c’était une manière positive de parler d’un sujet important, souvent vu avec un prisme culpabilisant. Bref, je me suis dit que je tenais quelque chose et c’est comme cela que sont nées les Expéditions Zéro.
Ensuite est arrivée l’opération “Nettoie ton kilomètre”, destinée, comme son nom l’indique, à ramasser les déchets autour de chez soi. Racontez-nous un peu comment cela s’est organisé ?
Benjamin de Molliens : Nous étions à nouveau confinés, en novembre 2020. Il n’était donc plus possible de réaliser des Expéditions Zéro. J’étais cette fois à Marseille, au Vallon des Auffes où j’habite. En bord de mer, pendant que je courais dans mon petit périmètre d’un kilomètre pendant 1h, j’étais accablé de voir tous ces déchets que je voyais partout accumulés et donc je me suis dit : autant allier l’agréable à l’utile ! En plus de mes baskets, j’ai pris des gants et un sac poubelle et j’ai commencé à ramasser les déchets en revenant de mon footing. J’ai posté une photo sur les réseaux, avec le hashtag #nettoietonkm, en proposant aux gens de relever le défi à leur tour, et c’est parti comme cela. Il y a eu un énorme effet boule de neige autour du sujet et on en a parlé jusqu’au Canada et en Australie. Je crois que ça a fonctionné parce que c’était une idée toute simple, facile à réaliser et qui tombait dans un moment où chacun, confiné chez soi, tournait un peu en rond et avait finalement du temps à tuer et de l’énergie à revendre, avec quelque chose de très concret et dont on voyait directement les effets. Et moi j’étais fier de montrer l’exemple, en commençant par moi et en suivant le principe de Gandhi qui nous dit : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde » ! Le tout avec le sourire et une grande motivation, d’une manière sincère et bienveillante. C’est cela, je crois, qui a plu et qui a permis de rendre l’opération virale.
C’est important, pour vous, d'apporter un message de préservation de la nature qui ne soit pas culpabilisant mais, au contraire, qui se fasse dans l’optimisme et la joie ?
Benjamin de Molliens : Très clairement, oui. C’est à mon sens comme cela que l’on arrive à convaincre le plus et que l’on donne envie de s’impliquer. Ce que je cherche à promouvoir, c’est une écologie fun et entraînante. Je tiens à démontrer que vivre d’une manière beaucoup plus sobre, ce n’est pas un renoncement mais, au contraire, quelque chose de cool. Il n’y a que des bénéfices à en retirer et c’est cela que je veux faire valoir. C’est pourquoi le partage avec le public est primordial ! C’est le centre de tout ! Je souhaite que mon action soit contagieuse. Il me faut donc forcément communiquer sur tous mes projets, je n’ai pas le choix même si, c’est vrai, il est paradoxal d’utiliser les réseaux sociaux et de faire des vidéos : cela a un impact carbone, ce n’est pas l’idéal mais, en même temps, c’est là où les gens sont, c’est là où l’on peut capter leur attention et faire passer des messages. Alors il faut le faire, avec toutes les mesures d’usage car, sans partage, mon action n’aurait aucun sens. En partageant mes aventures, j’espère participer à créer des étincelles et des vocations. Je veux transmettre un message positif : oui, il est possible de vivre d’une manière heureuse cette nécessaire transition que nous devons mener à bien. Moins prendre l’avion, beaucoup moins manger de viande, ne plus acheter de matériel ou de vêtements neufs, se déplacer autant que possible à vélo, ce ne sont pas des renoncements, c’est de la joie en plus.
De toutes vos aventures, laquelle a été la plus forte à vivre ?
Benjamin de Molliens : Émotionnellement, la plus forte, cela a été la traversée des Alpes à pied. Je suis un amoureux de la randonnée et des montagnes et, là-haut, je me sentais vraiment bien, dans mon élément. J’ai passé 29 jours pour rallier Menton depuis le lac Léman, soit 612 km avec presque 45000 mètres de dénivelé positif. J’étais tranquille, à voir des chamois, des marmottes, des mouflons, des aigles, des vautours, enfin tout ce que j’adore : une faune incroyable, des paysages dingues, entre glaciers, pierriers, plaines vertes et rivières, et une liberté d’esprit totale. C’était magique. Une autre aventure marquante, celle qui a peut-être le plus fonctionné en termes d’impact, sur les réseaux, ce fut celle à vélo et en voilier, de Lille à Glasgow, pour rejoindre la COP 26 qui se déroulait là-bas, en novembre 2021. C’est toujours l’occasion de rencontres superbes, avec des gens intéressants. À Glasgow, nous étions 170 personnes, à vélo, à arriver en même temps, convergeant de partout en Europe pour porter ce message de la transition écologique. C’était particulièrement fort.
Quels sont vos prochains projets, comment vous y préparez-vous et quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait se lancer ?
Benjamin de Molliens : Mon prochain projet, c’est la traversée à pied des Pyrénées, en randonnée rapide, par un itinéraire qui va mixer le GR 10, le GR 11 côté espagnol et la Haute Randonnée Pyrénéenne (HRP). Je pense que je vais le faire d’ouest en est. J’aimerais aussi m’organiser pour rejoindre la COP 27, en novembre 2022, mais je pense que cela va être assez compliqué parce qu’elle aura lieu en Égypte. Pour ce qui est des conseils, le principal c’est d’essayer, de se faire confiance et de passer à l’action. Il faut d’abord commencer par des choses qui nous paraissent accessibles comme acheter sa nourriture en vrac, prendre son vélo, aller en vacances plus près de chez soi, etc. Il n’y a pas besoin de partir à l’aventure loin pour être acteur de sa vie : vous pouvez par exemple partir en bivouac tout près de chez vous, pour un jour, pour vous tester. Et vous verrez ensuite : la confiance viendra, vous serez rassurés quant à vos capacités et puis, d’un jour, vous passerez à deux, puis trois, etc. Au début, vous commettrez des erreurs, sur le matériel, sur la nourriture, mais rien de grave, et puis vous apprendrez. Petit à petit, vous augmenterez les distances et la durée, et vous vous rendrez compte que ces petites expéditions vous rendent profondément heureux et sereins. Vous vous rendrez compte à quel point cette connexion avec la nature, que l’on perd du fait de nos modes de vie d’aujourd’hui, est cruciale et, mieux encore, vitale.
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